Inondation – Les entreprises sont mal préparées

Inondation – Les entreprises sont mal préparées

Dans un communique du 5 juin 2016, la ministre de l’Environnement Ségolène Royal signalait que les inondations alors en cours s’accompagnaient « de pollutions diverses charriées par les cours d’eau, hydrocarbures, débris et produits divers, liées notamment aux débordements de cuves et aux dysfonctionnements des stations d’épuration. » Nombre d’entreprises ne sont pas encore suffisamment préparées. Quelques arguments pour les y motiver.

Il se poursuivait ainsi : « J’ai demandé aux agences de l’eau Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse et Artois-Picardie de réaliser les études et analyses nécessaires pour quantifier l’ampleur de ces pollutions et de leurs conséquences sur les milieux, et d’identifier les mesures qui pourraient être prises pour prévenir à l’avenir le plus possible ces pollutions. »

Ce communiqué paraît aberrant. Comment se fait-il qu’il y ait des organismes qui ne soient pas encore préparés au risque inondation, pourtant bien connu ? Certes, ce communiqué occulte le fait que beaucoup de structures se préparent déjà depuis longtemps à cet alea. Mais il reflète aussi une conscience du risque encore souvent trop sommaire, notamment chez les chefs d’entreprise.

Voici quelques extraits d’un article que j’écrivais en janvier 2010 pour le journal Hydroplus. Sa conclusion principale: les entreprises doivent se saisir du sujet, notamment pour éviter les ruptures d’activité. Mais aussi pour éviter de produire… une quantité énorme de déchets. Qui seront soit emmenés par l’eau, faisant courir des risques aux hommes et aux milieux. Soit noyés dans un entrepôt ou un bureau ; ce seront alors des tonnes de matériaux, stocks de produits, appareils bureautiques qui devront être évacués et traités dès la décrue.

Inondation, juin 2016, IleSeguin

Extraits

« L’accidentologie française et européenne montre que la part des accidents industriels majeurs causés par des catastrophes naturelles est relativement faible (moins de 10%) ; les entreprises font donc peu ou pas figurer la préparation aux aléas naturels dans leurs priorités »,

analyse Bastien Affeltranger, délégué aux Prestations à la direction Risques Accidentels de l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques).

Une étude menée en 2009 par l’Ifop auprès de 1703 chefs d’entreprises du bassin de la Loire l’a montré : alors que parmi ces entreprises 50% étaient en zone inondable et 50% hors zone inondable, seuls 14% des personnes interrogées déclaraient être situées en zone inondable. Même constat dans une étude réalisée en 2008 par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nîmes : sur 1112 entreprises situées en zone inondable, seules 44% savaient qu’elles étaient soumises à ce risque.

En matière de risque accidentel, les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ont une obligation de réaliser une étude de dangers, qui doit prendre en compte le risque inondation. Elles sont donc relativement bien informées. Il n’en est pas de même de toutes les entreprises a priori non polluantes, dont les stocks rendus inutilisables par l’eau risquent pourtant de créer des risques sanitaires.

Face au risque inondation, l’une des premières règles est donc de connaître sa vulnérabilité. Quelles mesures à prendre? Elles sont très variées : effectuer tout d’abord un diagnostic de vulnérabilité ; puis, selon ses résultats, acheter un stock de briques et de parpaings ou un chariot élévateur pour surélever les machines ; installer les réseaux et l’armoire électriques au-dessus du niveau de la crue ; mettre hors crue les produits dangereux… Il s’agit non seulement de protéger ses installations, mais aussi d’assurer le retour le plus rapide possible à la normale ou de poursuivre l’activité lorsque cela est indispensable.

Montée des eaux de la Seine, Ile-Saint-Germain, 06-2016

Poursuivre l’activité

L’éleveur de vaches laitières Gilles Leroux s’est rendu compte grâce à un diagnostic de vulnérabilité que son principal enjeu était non pas de déplacer son troupeau, ce qu’il aurait sans doute le temps de faire grâce aux systèmes nationaux d’alerte, mais plutôt d’assurer ensuite la traite dans leur lieu d’accueil.

Claude Simier, horticulteur et responsable de l’EARL Simier, témoigne de son côté :

« Le diagnostic de vulnérabilité nous a permis de connaître nos faiblesses. Notamment, malgré notre sensibilité au risque inondation, nous n’avions pas de procédures écrites ».

« Les entreprises sont, d’une manière générale, invitées à prendre les mesures de précaution nécessaires, car les moyens de secours des pouvoirs publics seront mobilisés, au moment du sinistre, pour la seule sauvegarde des personnes », précisait le site Internet de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.

A l’inverse, « il y a un travail à mener sur les besoins spécifiques des industriels en matière d’alerte, afin de leur fournir à temps les informations leur permettant de gérer le process, de mettre en sécurité leurs stocks, leurs matériels, ou d’organiser une astreinte », note Bastien Affeltranger.

Le travail de prévention du risque inondation dans les entreprises est donc loin d’être achevé : il en est plutôt à ses débuts. Au vu des enjeux, il est pourtant essentiel, notamment dans les entreprises de l’eau dont l’activité est primordiale pour la survie des populations et des entreprises.

Sedif

Les entreprises de l’eau face au risque

Les stations d’épuration sont des ICPE. Elles doivent donc être installées là où elles ne sont pas soumises au risque inondation ou s’en protéger.

Les installations de production d’eau potable sont le plus souvent situées en bord de rivière, près des captages d’eau. Elles se trouvent donc fréquemment en zone inondable. Un diagnostic de vulnérabilité est indispensable pour se préparer à assurer la poursuite de ce service public, en vertu notamment de la loi sur la modernisation de la sécurité civile de 2004.

Le risque le plus fréquent supporté par les installations d’alimentation en eau potable lors d’une inondation est l’augmentation de la turbidité de la ressource.

Concernant les réseaux d’eau potable, s’ils sont maintenus sous pression le risque principal sera celui d’une casse provoquée par exemple par un mouvement de terrain.

Les réseaux d’assainissement, de leur côté, peuvent être problématiques. Si un fleuve sort de son lit, il peut s’engouffrer dans les avaloirs, et l’eau remonter dans le réseau d’assainissement. Le risque est alors de voir des rues, situées hors zone inondable, touchées elles aussi par une remontée des eaux.

Pour aller plus loin :

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