Rares sont ceux qui n’ont jamais été gênés par les bruits de leurs voisins. Mais plus rares encore sont ceux qui n’ont jamais été gênés par le bruit de sa propre famille. Car à l’intérieur de la cellule familiale, le bruit a officiellement droit de régner.
D’après une enquête de TNS-Sofres de 2010, deux Français sur trois déclarent être personnellement gênés par le bruit à leur domicile.
Dans une étude publiée en 2016, le Conseil national du bruit évalue le coût social du bruit en France à 57 milliards d’euros annuels. Ce coût prend diverses formes : dépenses de santé en raison par exemple de l’augmentation du stress, de phénomènes d’insomnie ou de problèmes auditifs, baisse de productivité au travail, échec scolaire, baisse de la valeur patrimoniale des biens immobiliers…
Et pourtant… Il y a très peu d’opérations de rénovation acoustique dans le secteur du logement. Quelques bâtiments considérés sur les « points noirs du bruit » car ils se trouvent à proximité d’une route ou d’une voie ferrée, quelques habitations près des aéroports.
En retard sur les chocs
Qui plus est, les normes applicables en France, plutôt bonnes pour les bruits aériens (voix, télévision), sont beaucoup moins satisfaisantes pour ce qui est des bruits de chocs (pas, chutes). D’après Jean-Baptiste Chéné, chef de la division acoustique du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), nous sommes en retard par rapport à nombre de pays européens sur ce point.
Mais l’un des points les plus étonnants de la dogma acoustique actuelle, à mon avis, et de considérer qu’à l’intérieur de la « cellule familiale », il n’est pas besoin d’isolement. Au sein d’un même logement, il n’existe donc aucune obligation de mettre une isolation entre deux chambres ou entre une chambre et le salon. Maintenir son intimité devient un défi. Assurer un sommeil paisible aux uns et aux autres est une gageure, notamment lorsque les membres de la famille ont un rythme de vie décalé dans le temps.
RT 2012 et ponts phoniques
Le plus gênant est que les règles constructives actuelles empêchent d’avancer sur le sujet. La réglementation thermique 2012 (RT 2012) impose de faire entrer l’air frais par les pièces « sèches » (chambres, salon, etc), de le faire circuler dans l’appartement et de faire sortir l’air vicié par les pièces humides (cuisine, salle de bains, toilettes). D’où la présence de larges ouvertures sous les portes intérieures du logement, pour laisser circuler l’air. Le problème est que cela crée aussi des « ponts phoniques », c’est-à-dire des espaces de passage pour les bruits.
Comme le font dans le logement l’air, les cris de bébé et la musique de l’adolescent, on tourne en rond.
Acoustique
Un enfant pleure
une radio crie
une auto freine
une moto pète
un marteau frappe
une hie ronfle
un bus passe
et pourtant il y a encore dans l’espace
des pans
qui ne bougent pas
Raymond Queneau