Comment oser commémorer Auschwitz sans les Russes?

Comment oser commémorer Auschwitz sans les Russes?

Ne pas inviter Vladimir Poutine à la commémoration de la libération d’Auschwitz, au prétexte que ce seraient « des troupes ukrainiennes » qui auraient libéré le camp, est un affront politique fondé sur un mensonge historique. C’est l’armée rouge, l’armée de l’Union soviétique, qui a libéré Auschwitz. Des historiens plus compétents que moi l’ont rappelé ces derniers jours, comme Jacques Sapir dans son article intitulé « Un scandale ». Et je partage parfaitement son indignation.

Est-ce que la Pologne craint à ce point son voisin russe, et ne veut à aucun prix voir l’Europe s’en rapprocher un jour? Tout semble donc bon pour exacerber les tensions?

Comprenons-le bien : la deuxième guerre mondiale et la lutte contre le fascisme ont un autre poids en Russie qu’en France. C’est un élément essentiel de l’identité nationale russe. C’est un élément de fierté, élément rare dans ce passé soviétique si décrié. La mobilisation de toute une société, des actions de bravoure inouïes, des morts par millions. Les Russes n’ont pas oublié ce que leur a coûté la deuxième guerre mondiale. Ils n’ont pas oublié qu’ils ont longtemps été quasiment les seuls à contenir l’Allemagne, alors que les Etats-Unis préparaient seulement leur effort de guerre et que l’Angleterre faisait difficilement face aux bombardements.

Des soldats soviétiques et des déportés lors de la libération d'Auschwitz

Des soldats soviétiques et des déportés lors de la libération d’Auschwitz

Ne pas inviter Vladimir Poutine à la commémoration de la libération d’Auschwitz, tout en inventant des mythes historiques, c’est aussi s’attaquer à cette mémoire. C’est faire insulte à ce fragment de l’identité nationale russe. C’est faire une grosse erreur politique. Et les dirigeants européens qui s’y sont rendus l’ont cautionnée.

Pour aller plus loin:

Pour les russophones, quinze documents historiques liés à la libération d’Auschwitz, et qui étaient jusque-là dans les archives du ministère de la Défense, viennent d’être publiés. Ils sont disponibles sur le site du ministère. A noter que les Russes connaissent le camp sous son nom polonais Oswiecim (Auschwitz est son nom allemand).

Une tribune de Jean-Paul Brighelli dans Le Point

2 comments

  • Personne ne nie que c’est l’armée rouge qui a libéré Auschwitz. Je suis petit-fils d’un des survivants d’Auschwitz et j’ai des lettres qui lui ont été envoyées après la guerre par des codétenus. Pour plus d’information, il y a au musée de l’holocauste de Paris une exposition temporaire sur les documents filmés par cinématographes de l’armée rouge. La non-invitation de V V Poutine est a mettre dans le contexte de la guerre actuelle en Ukraine.

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  • Evidemment, la non-invitation de Vladimir Poutine est à mettre dans le contexte de la guerre actuelle en Ukraine. Mais c’est une mauvaise réponse selon moi.
    Et le problème est que justement les autorités polonaises ont nié que c’était l’armée rouge qui avait libéré Auschwitz, parlant d’armée ukrainienne…
    En tous cas, l’exposition dont vous parlez mérite sans doute le détour.

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