Je travaille aujourd’hui sur un documentaire. Un film sur les socorristas, des femmes qui accompagnent d’autres femmes en les aidant à interrompre leur grossesse non désirée, dans un pays où il est interdit d’avorter.
Le film parle de leur engagement mais aussi de leur lutte. De cette lutte pour conquérir la liberté de leurs concitoyennes à disposer de leurs corps. De cette lutte que les Françaises ont mené il y a une quarantaine d’années, et qui a débouché sur la loi Veil, sur ce droit à l’avortement que nous prenons trop souvent pour naturel et acquis. La lutte est dure et elle est longue : voilà ce que nous enseignent aujourd’hui les Argentines.
L’Argentine, un pays riche en dinosaures
La lutte est parfois amère et décourageante. Voilà ce qui ressort de la nuit d’hier. En effet, ce matin 9 août 2018 à 3h, le Sénat argentin a rejeté le projet de loi de légalisation de l’avortement, qui avait été approuvé en première lecture par le Parlement le 13 juin.
Carte des orateurs du Sénat, par province
Le film montrera cette lutte. Il ira plus loin. Il parlera de sororité, d’avortement féministe, de colère et de solidarité. Les socorristas apportent à ces femmes de l’information sur une méthode d’avortement sûre. Toutefois, leur rôle va bien au-delà : dans une société en grande partie hostile, elles leur offrent une écoute bienveillante et un appui moral.
Qui a gagné finalement dans ce vote ?
Tout d’abord la peur du changement, de dépenses nouvelles, de dérapages moraux : cette liberté sexuelle qui apparaîtrait avec le droit à l’avortement !
Mais aussi la défiance envers les pauvres et les jeunes : toutes ces femmes qui recourraient à l’interruption volontaire de grossesse au lieu d’utiliser des préservatifs !
Et enfin, l’idée que « la vie commence dès la conception ». Qui le clame ? L’église catholique, les églises en général. Sur quelles bases ? Purement idéologiques. Personnellement je me le représente ainsi : un spermatozoïde rencontre un ovule, « babam ! » fait Dieu avec un grand éclair, une âme est née.
Du corps et de l’esprit
De mon côté je préfère écouter la science. Au début, la rencontre de l’ovule et du spermatozoïde ne forment qu’une cellule. L’embryon ne pourra vivre de manière autonome, avec un cerveau et des organes plus ou moins fonctionnels, qu’après avoir passé environ six mois à l’intérieur de l’utérus. Qu’il ressemble visuellement à un être humain à partir de quelques semaines ne signifie pas qu’il en soit un. Quant à l’âme, l’esprit, la différenciation du bien et du mal, ce ne sont que le résultat de l’éducation. Un enfant ne naît pas naturellement bon, il naît naturellement égoïste. C’est un petit animal et il veut survivre. L’amour, la patience, la pédagogie en feront un petit être « civilisé ». Et cela ne naîtra que d’une maternité désirée.